sylvie-boulet

J’ai commencé ma profession d’intervenante en soins spirituels (ISS) en 1990, au moment où les établissements de santé au Québec portaient tous des noms autres que des acronymes : Hôpital de l’Enfant-Jésus, Centre François-Charron, Hôpital Laval, etc., et bien sûr, mon établissement, l’Institut universitaire en santé mentale de Québec (IUSMQ) (anciennement le Centre hospitalier Robert-Giffard). Je me souviens encore d’avoir monté les marches menant à la porte centrale en ayant le sentiment que j’y passerais un grand moment de ma vie.

Au fil de mes quinze heures de travail par semaine comme jeune ISS, j’offrais des services sur un étage (unité) divisé en quatre milieux de vie. Mes premiers « bénéficiaires », aujourd’hui appelés patients, présentaient tous une déficience intellectuelle. C’était avant le virage de la désinstitutionalisation (programme de réinsertion sociale qui répond aux besoins spécifiques de chacun). Après le virage, j’ai connu un autre type de clientèle, celle atteinte par des problèmes de santé mentale; un tout nouveau monde à découvrir. Avec le recul, je peux constater qu’au-delà de mes connaissances acquises au fil des ans en soins spirituels et des changements vécus, ma façon d’intervenir auprès des personnes vulnérables a toujours été constante.

Un jour, j’ai assisté à une conférence donnée par Didier Caenepeel, professeur titulaire de théologie morale et de bioéthique. C’est à ce moment que j’ai pu enfin mettre des mots à mon approche : je pratique l’hospitalliance!

Le mot hospitalliance n’existe pas dans le dictionnaire, mais il décrit tellement bien mon travail au quotidien. Pour moi, vivre l’hospitalliance, c’est accompagner, mais aussi se laisser accompagner par les personnes qui nous sont confiées. C’est voir toute la beauté et l’efficacité du « hors norme », c’est-à-dire exprimer un type de présence qui sort parfois de la description ou du libellé de ma profession. L’hospitalliance, c’est savoir accepter l’identité qu’on me donne à priori et ce n’est qu’en l’acceptant que commence la route d’un accompagnement efficace. Faire de l’hospitalliance, c’est s’exposer en vérité, se laisser accueillir, se laisser déplacer et reconnaître.

J’aimerais terminer avec une image qui est significative pour moi : celle de la comparaison entre le chameau et le cheval. Le chameau se contente de peu de nourriture; il la rumine sans cesse. Le cheval, de son côté, a besoin de manger beaucoup, car il n’est jamais rassasié. Je m’identifie au chameau qui rumine.

Tout au long de ma carrière, je n’ai pas cherché de nouvelles techniques d’animation ou de nouveaux modèles d’intervention. Au contraire, j’ai conservé ou sauvegardé ce qui est pour moi essentiel et à la base de tout : une hospitalliance qui favorise la reconnaissance, la  paix, l’espoir et le rétablissement. J’ai la certitude que cette nourriture qui a été ruminée au fil des ans a eu le pouvoir de transformer et de mieux vivre le quotidien d’un milieu de soins psychiatrique.

Témoignage d’une patiente de l’Institut universitaire en santé mentale de Québec (IUSMQ) : « Lorsqu’on s’est parlé, je me suis sentie comprise et non jugée. J’ai vu que cela t’intéressait. Merci! »

 

Sylvie Boulet, intervenante en soins spirituels, Institut universitaire en santé mentale de Québec (IUSMQ) 

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